
Augmenter l’attractivité des villes et des municipalités grâce au plein air de proximité
Le développement du plein air de proximité est souvent perçu par les Villes et les Municipalités comme un service visant à améliorer la qualité de vie des citoyennes et des citoyens. Pourtant, il s’agit bien plus que d’un simple service : c’est aussi un investissement stratégique. Chaque dollar investi dans ces espaces génère non seulement des bénéfices pour le bien-être individuel et collectif, mais contribue également à la vitalité économique du milieu. Les retombées du plein air de proximité sont nombreuses : amélioration de la santé physique et mentale, mise en valeur et protection de l’environnement, valorisation du territoire, dynamisation sociale, etc.
Pour les Villes et les Municipalités, dont les revenus sont principalement issus de la taxation foncière, il importe d’examiner aussi les retombées économiques de ces aménagements. En effet, au Québec, près de 70 % des revenus autonomes des municipalités proviennent de l’impôt foncier. Ainsi, en augmentant la valeur foncière, les espaces récréatifs deviennent un levier financier clé, offrant un retour sur investissement qui peut soutenir le développement d’autres infrastructures et services essentiels.
Il demeure néanmoins crucial de ne pas évaluer un projet que sous cet angle. Chaque milieu possède son propre contexte, ses réalités et ses enjeux, notamment en matière d’accessibilité, d’iniquité sociale ou de préservation des milieux naturels.
Il faut donc porter sur le plein air de proximité un regard à la fois adapté et holistique pour bien mesurer l’ensemble de ses impacts.
Cet article s’inscrit ainsi comme une pièce d’un casse-tête plus vaste d’analyse des retombées du plein air de proximité par l’entremise de diverses études de cas :
- les impacts des parcs municipaux ;
- les impacts des parcs régionaux ;
- les impacts des plans d’eau ;
- les impacts des installations d’envergure ;
- les impacts de la nature en ville et ;
- les impacts du récréotourisme.
Les impacts des parcs municipaux
La conclusion d’une revue de la littérature empirique réalisée par John L. Crompton (2001) rapporte les résultats d’environ 30 études ayant examiné, de façon empirique, l’ampleur et la validité du principe de proximité. De ces études, 25 d’entre elles confirment un effet positif sur la valeur foncière[1].
En fonction des caractéristiques du parc ainsi que la distance qui le sépare de la résidence en question, la hausse de la valeur foncière pouvait varier de 10 % à 20 %. Par ailleurs, les parcs favorisant des activités de détente et de promenade, comme des sentiers, des espaces de repos et de grands espaces verts, génèrent des augmentations plus marquées que les parcs plus aménagés, dotés d’infrastructures sportives ou récréatives[2]. Autant pour les retombées économiques que pour l’ensemble des considérations environnementales et sociales, les municipalités gagnent ainsi à trouver un équilibre entre les espaces naturels et les parcs typiquement aménagés (avec aires de jeux, terrains sportifs, chalets de parc, etc.).
Toutefois, l’étude reconnaît que l’aménagement d’un parc peut entraîner certaines nuisances dans le voisinage, et que la hausse des taxes foncières peut être mal perçue par des résidents qui n’ont pas l’intention de vendre leur propriété. Il est donc essentiel d’évaluer chaque projet dans une perspective plus large que la seule valorisation foncière[3].
Les impacts des parcs régionaux
Au Québec, les parcs régionaux engendrent des retombées économiques non négligeables. Les données de la dernière enquête disponible, indique que les retombées étaient évaluées à 91,5 M$ en valeur ajoutée au PIB de la province, générant 19,3 M$ de revenus pour les gouvernements et soutenant un peu plus de 1 300 emplois[1]. De plus, les estimations indiquent que la présence des parcs régionaux permettrait de générer des dépenses touristiques de plus de 601 M$ à l’extérieur du parc. Les parcs régionaux du Québec offrent donc un cadre privilégié aux populations locales et régionales en plus de créer des retombées économiques considérables et d’être des destinations prisées par les touristes.
Les impacts des plans d’eau
Le cas des plans d’eau est particulier, car les impacts qu’ils génèrent sur la valeur foncière sont très variables. Il est impossible de fixer une valeur moyenne ou même une simple fourchette fiable, tant les effets dépendent de nombreux facteurs. Ces derniers incluent non seulement l’emplacement et le type de cours d’eau, mais aussi la qualité des berges, l’accessibilité, la réglementation locale ou encore la perception des risques par la population.
L’impact peut être considérable : dans certains contextes, l’accès visuel ou physique à l’eau entraîne une hausse marquée de la valeur foncière. À l’inverse, la présence d’un plan d’eau peut parfois faire diminuer la valeur des propriétés, notamment lorsqu’elle s’accompagne de risques ou de contraintes, comme les inondations ou l’érosion des berges.
Néanmoins, au Québec, 98 % des lacs et des rivières sont inaccessibles au public[5]. Selon la Fondation Rivières (2025), l’accès aux berges reste complexe, car il dépend largement de terrains privés et du bon vouloir des propriétaires riverains. Pourtant, des initiatives comme des servitudes de passage ou la « contribution aux fins de parc » pourraient permettre de créer ou de préserver des accès publics afin de favoriser des activités de plein air de proximité non motorisées.
Il importe donc de veiller à ce que la hausse de la valeur foncière et des retombées économiques contribue aussi à améliorer l’accès de tous et toutes à ces espaces naturels.
Les impacts des installations d’envergure
Bien que les parcs plus aménagés aient souvent un impact moindre sur la valeur foncière, certains équipements très précis et de grande envergure peuvent générer une hausse notable. C’est notamment le cas des stations de ski. Une étude de l’organisme JLR illustre leur impact sur l’immobilier résidentiel en documentant des exemples québécois. Conclusion : les villes qui en comprennent sur leur territoire affichent un prix médian des maisons qui est environ 10 % plus élevé que celui des municipalités voisines[6].
Les impacts de la nature en ville
Notons également que la nature en ville contribue également à générer une valeur économique :
« L’arbre, le parc et l’espace vert, en captant diverses formes de pollution, en incitant le citadin à marcher, à courir, à flâner pour admirer, améliorent le bien-être et la santé et, s’en trouvent gratifiés d’un signe de dollar pour attester de leur valeur économique. »[7]
La nature permet de rendre des services écosystémiques. Dans une étude de 2015[8] basée sur un échantillon de 25 villes, la valeur économique moyenne d’un hectare de nature et d’espace vert était évaluée à 31 696 $ US. Cette valeur était attribuable à l’augmentation de la valeur foncière, mais aussi aux effets positifs ressentis sur la santé, la régulation de la pollution, la réduction des eaux de ruissellement ou encore les économies d’énergie par la régulation de la température.
Les impacts du récréotourisme
Que ce soit au niveau municipal ou de la MRC, un réseau de plein air bien aménagé, entretenu et promu ne bénéficie pas uniquement aux personnes résidentes ; il attire également des visiteurs et génère des retombées économiques pour la communauté. En effet, certaines Villes ont d’ailleurs choisi d’investir massivement dans le plein air urbain pour renforcer leur attractivité. La Ville de Québec, par exemple, a adopté un Plan directeur du plein air urbain[9], tandis que Denver, au Colorado, a mis en place une stratégie axée sur les sports d’aventure et les activités de plein air[10].
Selon une étude de la Chaire de tourisme Transat (2017) portant sur les clientèles, les lieux de pratique et les retombées économiques et sociales des activités de plein air[11], il s’agit d’un secteur qui génère 2,2 G$ annuellement. Plus de 50 % de ces dépenses sont attribuables au récréotourisme.
Il serait cependant réducteur de ne considérer que cet aspect économique. Un développement récréotouristique bien pensé contribue aussi à la valorisation des richesses naturelles des territoires et au renforcement du sentiment de fierté et d’appartenance d’une communauté. Il améliore la qualité de vie des citoyens en offrant des infrastructures accessibles, une diversité d’activités et le maintien de services de proximité. Par ailleurs, il joue un rôle clé dans la préservation et la mise en valeur des ressources naturelles et des paysages.
Le plein air de proximité, ce n’est pas seulement une question d’aménagements : c’est un véritable mode de vie, porteur de bien-être et d’attractivité, qui séduit autant les citoyens que les visiteurs. Investir dans son développement et sa promotion, c’est non seulement renforcer l’attrait des milieux de vie, mais aussi dynamiser les revenus municipaux et générer des retombées économiques tangibles à l’échelle de la province.
Au-delà de ces effets directs, il convient aussi de tenir compte des retombées économiques indirectes, notamment sur la santé publique, la qualité de l’environnement et la vitalité sociale des communautés, qui amplifient encore davantage son impact.
Une chose est claire : les Municipalités qui choisissent de miser sur le plein air de proximité y trouveront un levier stratégique pour leur développement, tout en offrant à leurs citoyens un cadre de vie de qualité et enviable.
- [1] COMPTON, John L. (2001). The Impact of Parks on Property Values: A Review of the Empirical Evidence, Journal of Leisure Research, vol. 33, no 1, p. 1-31
- [2] COMPTON, John L. (2001). The Impact of Parks on Property Values: A Review of the Empirical Evidence, Journal of Leisure Research, vol. 33, no 1, p. 1-31
- [3] COMPTON, John L. (2001). The Impact of Parks on Property Values: A Review of the Empirical Evidence, Journal of Leisure Research, vol. 33, no 1, p. 1-31
- [4] ASSOCIATION DES PARCS RÉGIONAUX DU QUÉBEC (Parq) ; Raymond Chabot Grant Thornton. (2022). Portrait et retombées économiques des parcs régionaux du Québec 2022. [En ligne]. Disponible à : https://www.parq.ca/app/uploads/2024/05/Portrait-et-retombees-economiques-des-parcs-regionaux-du-Quebec-2022.pdf
- [5] FONDATION RIVIÈRES. (2025). L’accès aux rivières et aux lacs au Québec : tour d’horizon réglementaire et pistes de solution. [En ligne]. Disponible à : https://fondationrivieres.org/wp-content/uploads/2025/06/Rapport-final-Acces-aux-berges.pdf
- [6] JLR Publication. (2018). The Real Estate Market of Cities with a Ski Resort. [En ligne].https://solutions.jlr.ca/hubfs/Etudes_et_rapports/2018-02_JLR-Real-Estate-Market-Cities-Ski-Resort.pdf
- [7] INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ PUBLIQUE (INSPQ). (2017). Valeur économique des effets sur la santé de la nature en ville. [En ligne]. https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2267_valeur_economique_effets_sante_nature_ville_revisee.pdf
- [8] ELMQVIST, T., SETÄLÄ, H. M., HANDEL, S. N., VAN DER PLOEG, S., ARONSON, J., BLIGNAUT, J. N., GÓMEZ‑BAGGETHUN, E., NOWAK, D. J., KRONENBERG, J. & DE GROOT, R. (2015). Benefits of restoring ecosystem services in urban areas. Current Opinion in Environmental Sustainability, vol. 14, p. 101‑108. Disponible à : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877343515000433
- [9] VILLE DE QUÉBEC. (2024). Plan directeur du plein air urbain. Ville de Québec. [En ligne]. Disponible à : https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/loisirs_sports/docs/plan-directeur-plein-air-urbain.pdf
- [10] CITY AND COUNTY OF DENVER, Denver Parks and Recreation. (2023). Outdoor Adventure and Alternative Sports Strategic Plan. [En ligne]. Disponible à : https://www.denvergov.org/files/assets/public/v/1/parks-and-recreation/documents/planning/outdooradventurealternativesports_strategicplan.pdf
- [11] CHAIRE DE TOURISME TRANSAT ESG UQAM. (2017). Étude sur les clientèles, les lieux de pratique et les retombées économiques et sociales des activités physiques de plein air (rapport final). Université du Québec à Montréal. [En ligne]. Disponible à : https://chairedetourisme.uqam.ca/upload/files/Etude_Plein_air_rapport_final.pdf